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dimanche 8 juillet 2012
dimanche 4 mars 2012
dimanche 6 mars 2011
samedi 19 février 2011
dimanche 23 janvier 2011
Chrome (deuxième partie)
California Über Alles
Damon Edge, Thomas Wisse de son vrai nom, est né en Angleterre en 1949. Abandonné par sa mère peu après la naissance, il est recueillit par deux riches américains qui l’élèvent à Los Angeles. Ses parents adoptifs prennent soin de lui mais ne donnent pas dans l’affectif - Egde gardera un souvenir glacial de son enfance.
à suivre
Titre inédit enregistré peu aprés Red Exposure
Damon Edge, Thomas Wisse de son vrai nom, est né en Angleterre en 1949. Abandonné par sa mère peu après la naissance, il est recueillit par deux riches américains qui l’élèvent à Los Angeles. Ses parents adoptifs prennent soin de lui mais ne donnent pas dans l’affectif - Egde gardera un souvenir glacial de son enfance.
Son adolescence sonnée sonne le début de son engouement pour le son. « A 15 ans, je louais des magnétophones pour enregistrer les bruits de la rue ». Il étudie au California Institute of the Arts de Los Angeles et en ressort persuadé de l’intérêt qu’il y a à récupérer les choses pour les transformer, et de l’importance du hasard dans la création artistique.
Edge parcourt ensuite l’Europe et l’Afrique du Nord avec un ami. Une nuit, alors qu’ils sont au Maroc, il est frappé par l’atmosphère, l’atonalité et la richesse rythmique de la musique Arabe. « Ces morceaux venaient à moi. Je pouvais les entendre dans ma tète. C’est à ce moment la que j’ai conçu l’idée de faire de la musique ». De retour aux Etats Unis, il travaille sur des bandes originales de films séries B avec d’autres étudiants du Cal. Arts et commence à s’intéresser de près à la musique ‘pas tout a fait droite’.
En 1975, il quitte Los Angeles pour s’installer à San Fransisco. La ville est alors le pole d’attraction des modes de vie alternatifs. Pour Edge, c’est le dernier lieu de résistance sur le sol américain. « Les gens qui se sentent à leur place nulle part ailleurs viennent ici ». Downtown, d’anciennes usines servent de lofts à toute une population bohème. On peut y vivre pour trois fois rien, et se dispenser d’un boulot à plein temps.
Damon Edge forme la première mouture de Chrome (en référence au support de certains de ses travaux au Cal Arts) l’année suivante, avec le guitariste Gary Spain et Mike Low au chant pour enregistrer son premier album, ‘The Visitation’. « Je ne voulais pas avoir mon propre label » ; mais devant l’indifférence des maisons de disque, il n’a pas vraiment le choix. Il demande de l’argent à ses parents, fait presser les vinyles et bricole lui-même les pochettes.
Lorsque sort ‘The Visitation’ en février 1977, le disco est à la mode. Les salles de concert se transforment les unes après les autres en boites de nuit. La scène rock de San Fransisco est moribonde ; à l’image de ses hippies en bout de course, elle attend un nouveau souffle… qui ne viendra pas de Damon Edge et de sa bande. Avec sa musique trippée à la Santana, ‘The Visitation’ accuse neufs bonnes années de retard. Et Edge refuse de faire des concerts, alors qu’il n’a aucun moyen d’assurer la promotion de son album. Le disque ne se vend qu’à quelques exemplaires. Garry Spain, dégouté, quitte le groupe. Il est remplacé à la volée par celui qui sera l’alter ego de Damon Egde sept années durant, Helios Creed.
Creed est originaire d’Hawaï. C’est un guitariste né, mordu d’Hendrix et de LSD. Il est plus porté sur la musique que sur les études. Aussi lorsque ses parents déménagent en Californie au début des années soixante dix, il abandonne l’école et se met en tête de former un groupe. Lui non plus n’est pas convaincu par ‘The Visitation’. Un jour, il se pointe chez Edge et tombe sur ‘Nevermind The Bollocks’ des Sex Pistols. Il se souvient : « Je ne savais pas quoi penser, mais une chose était sure, c’est que plus on l’écoutait, plus on prenait de retard par rapport à cet album ».
à suivre
Titre inédit enregistré peu aprés Red Exposure
samedi 15 janvier 2011
Dream Baby Dream
Un budget digne d'un blockbuster, des semaines de tournage, une chorégraphie exigeante ; ce DBD Bollywood orchestré par webcam depuis Paris par l'abi Pédro mouchera tous les enrhubés de l'industrie du disque.
Album à paraitre bientôt
dimanche 9 janvier 2011
Chrome (premiere partie)
Isolation
« Dans le monde occidental, il y a ces zones de loisirs et de spectacles. Nous sommes en dehors de tout ca […]. Nous nous sentons comme des hors la loi à l’extérieur. Il y a eux et nous. Nous sommes en dehors de tout ».
Nous sommes sur une colline désolée de la périphérie d’Oakland. Le journaliste Michael Goldberg est assis dans le salon de Damon Edge, « un grand type en blouse blanche, à la voix ténébreuse » rencontré la veille avec son acolyte Helios Creed au studio Mobius à San Francisco. Il a écouté les bandes ‘déconcertantes’ que Chrome vient de d’enregistrer. Il s’étonne. Comment se fait il qu’Edge n’ait jamais donné la moindre interview, alors que son groupe termine son quatrième album ?
Le chanteur se lance dans des grandes phrases… avant d’admettre simplement: « Nous voulons communiquer. Nous ne sommes pas une bande de hippies largués faisant des enregistrements juste pour nous-mêmes ».
Goldberg est sans doute le premier ‘de l’extérieur’ à avoir écouté l’album ‘Red Exposure’. Dans son article, qui parait dans le NME du 17 novembre 1979, il décrit l’expérience de façon plutôt imagée: « Les morceaux de Chrome s’échappent des enceintes comme des bulles émergeant du fond d’une piscine de déchets radioactifs ». Et de conclure: « Les Chrome sont tellement underground que ceux qui en ont entendu parler doutent sérieusement de leur existence. Ils n’ont jamais donné de concert devant un public. Ils n’avaient jamais été interviewés ou photographiés. Leurs disques sortent au compte goute sur leur propre label, le mystérieux Siren. A part quelques fans dévoués, peu de gens ont entendus parler d’eux ; encore moins les ont entendus ».
Quelques mois plus tard Chrome sort de l’ombre. ‘Red Exposure’, via le label anglais Beggars Banquet, est distribué en Amérique du Nord, en Europe et au Japon par WEA Records (Warner). Joli pied de nez pour un groupe dont la musique avant-gardiste n’avait jusque là suscité que le mépris et les sarcasmes des labels américains : ‘Ces mecs sont complètement tarés’ ; on les avait traité de ‘Charles Manson de la musique’, au mieux, ‘de mauvais Doors’, pour rependre l’expression même de la Warner deux ans plus tôt.
Pour l’heure, en ce printemps 1980, alors que sortent ‘Seventeen Seconds’ de Cure et ‘Closer’ de Joy Division, Chrome avec ‘Red Exposure’ est prêt à irradier une par une les zones de loisirs du monde occidental…
à suivre
Compilation 'Subterranean Modern' (1979)
dimanche 19 décembre 2010
samedi 4 décembre 2010
The Raincoats
Fairytale…
Eté 1992. De passage à Londres, Kurt Cobain et Courtney Love se rendent chez le disquaire Rough Trade sur Talbot Road à la recherche du premier album des Raincoats. Rien dans les bacs… Le disque n’a pas été réédité depuis sa sortie en 1979 ; c’est devenu une rareté. Par chance, il se trouve que la vendeuse est une voisine d’Ana da Silva, la chanteuse et guitariste du groupe. Elle indique qu’ils pourront la trouver chez son employeur, un antiquaire, à quelques kilomètres de là. Ils se mettent en route...
Ana est là. Intimidé, Cobain se présente maladroitement et explique la raison de leur intrusion. Elle promet de leur en envoyer un exemplaire, sous réserve qu’elle arrive à remettre la main dessus. Dans les notes d’’Incesticide’, il racontera : « je ressortais en me sentant un peu idiot d’avoir violé son espace comme ça, en me disant qu’elle avait dû penser que mon groupe était bien médiocre ». De fait, la chanteuse des Raincoats ne connaît pas Nirvana.
Quelques semaines plus tard il reçoit le vinyle tant attendu, avec une lettre touchante d’Ana. Il poursuit : « Ca m’a rendu plus heureux que de jouer devant des milliers de personnes tous les soirs, dieu-rock idolâtré par des fans et des parasites lèche cul de l’industrie musicale, et le million de dollars que je me suis fait l’année dernière. C’est une des rares choses importantes qui me soit arrivé depuis que je suis devenu un intouchable petit génie ». Cobain n’a que vingt cinq ans.
I hear the music outside
A vingt cinq ans, Ana da Silva est encore étudiante. Elle a quitté le Portugal un an auparavant, ne sachant plus trop quoi faire une fois sa thèse sur Bob Dylan et son doctorat de langue terminés, pour s’installer à Londres. Nous sommes au milieu des années soixante dix. Elle travaille d’abord dans un restaurant, puis suit des cours à la Hornsey School of Art.
C’est là qu’elle rencontre Gina Birch, la future bassiste et chanteuse du groupe. Gina n’a que dix huit ans. Passionnée d’art conceptuel, de Land Art et de performance artistique en général, elle débarque tout juste de Nottingham et se sent un peu perdue à Londres. Les deux étudiantes découvrent qu’elles vivent à proximité l’une de l’autre et commencent à se voir régulièrement.
Elles fréquentent assidûment le Roxy, un club de Covent Garden. En 1977, cette salle de concert voit passer tout ce que le Royaume Uni compte de punks: les Sex Pistols, les Clash, The Jam, The Buzzcocks, Subway Sect, Siouxsie & the Banshees… et les Slits [les fentes], un groupe exclusivement féminin, que Gina aime tout particulièrement : « A chaque fois, j’étais transportée par l’énergie sauvage et généralisée de leurs concerts […] Quand je les ai vu jouer pour la première fois, ça m’a rendu complètement malade […] ça semblait si extraordinaire et si accessible à la fois ; je me suis dit , ’je voudrais tellement faire ça !’ ».
No one teaches you how to live
« Nous étions dans un pub, autour d’un verre, et nous nous sommes dit : ’faisons le!’ ». Ana et Gina ne savent pas jouer, mais qu’importe, faire du rock n’a jamais semblé aussi simple. Autour d’elles, on démystifie la musique. Nombreux sont ceux qui, sans la moindre expérience, parlent de former un groupe. Gina : « Chacun semblait prêt à recevoir nos idées, là ou normalement, en tant que jeunes femmes, on nous aurait tenues à l’écart ».
Le cas des Raincoats n’est pas isolé. A l’époque, beaucoup d’étudiants des Beaux Arts, prolétaires ou issus de la classe moyenne, trop indisciplinés pour imiter leurs parents, se tournent vers le rock, une fois leur diplôme en poche, pour conserver le style de vie qu’ils appréciaient pendant leurs études, avec le vague espoir d’en vivre.
De fait, le punk rock a ouvert des portes. Alors que les maisons de disques continuent d’enregistrer, de promouvoir et d’entretenir à grands frais des artistes professionnels qui s’enferment dans des genres élitistes comme le rock progressif, certains groupes pionniers, tels Père Ubu aux Etats Unis ou les Buzzcocks en Angleterre, lancent des souscriptions auprès de leurs proches et créent leur propre label, par nécessité (à force de se faire refouler par les majors) ou par choix, pour des questions de liberté artistique. En Angleterre, avec la vente par correspondance et le disquaire Rough Trade pour la distribution, la complicité de John Peel de Radio 1 et les premiers fanzines pour la promotion, un véritable réseau parallèle se crée en marge des circuits habituels. Dès lors, tout semble possible…
Adventures close to home
Tout commence en septembre 1977. Gina s’est acheté une basse bon marché ; elle a à peine le temps de s’y mettre. « En l’espace d’une ou deux semaines, nous étions tous les quatre essayant de faire une chanson »: Ana qui rentre tout juste de vacances à la guitare; un certain Nick Turner à la batterie et Ross Crighton, le second guitariste. Le groupe répète dans le quartier de Westbourne Grove, dans la cave du squat de Gina. La baraque n’est pas belle à voir. Elle fait penser à un décor de film post apocalyptique avec ses champignons qui poussent sur les murs. Dehors, Monmouth Road est gorgée de squats. Certaines maisons sont inhabitables, d’autres ont tout simplement brûlé.
Les musiciens s’essayent sur quelques morceaux, loin des structures habituelles. Gina : « Nous ne voulions pas d’un ‘double refrain couplet – pont – couplet –couplet’. Nous ne connaissions rien de tout ça, et nous n’avions pas envie d’en connaître davantage, même si ça nous rendait très vulnérables d’une certaine façon ».
« Bon vous avez un groupe, venez faire un concert ! ». Vulnérable ou pas, le groupe n’hésite pas à franchir le pas lorsque l’occasion se présente, en la personne de Richard Dudanski, colocataire de Gina et batteur à ses heures. Le premier concert a lieu à Londres, en novembre 1977, quelques semaines seulement après la formation du groupe. Un set court: cinq, six chansons à tout casser. Les musiciens ne connaissent rien à la sono, aux amplis et aux balances… « Nous avons réellement appris à jouer en public » reconnaît Gina. Mais les premières réactions sont positives, le résultat est encourageant.
Cette image du groupe qui ne sait pas jouer colle encore aujourd’hui aux Raincoats. Gina : « On répétait pourtant des heures entières. Vous n’auriez pas pu rencontrer de groupe qui répétait plus que nous. Mais on se débrouillait toujours pour se planter ». « On répétait beaucoup, mais c’était plus pour créer que pour essayer de jouer juste […], d’ailleurs nous ne jouons toujours pas juste, après toutes ces années » précise Ana. Mélodie/harmonie/rythmes/bruit/silence ; le groupe cherche avant tout des idées et tente de repousser un peu plus loin ses propres limites.
Le fait de se mettre en scène n’est pas évident non plus. « Nous étions vraiment assez timides [...] Ca n'est pas que nous ignorions le public, mais pour nous, jouer était quelque chose de trés émotionnel. Nous luttions, il nous arrivait même de pleurer; nous ne savions pas vraiment ce que nous faisions la moitié du temps» se souvient Gina. Loin du côté show off de la plupart des groupes punk de l’époque, leurs concerts s’apparentent plus, selon elle, à « des apparitions devant une audience qui fini par se sentir privilégiée de pouvoir nous observer ».
Ils sont remarqués à leurs débuts lors d'un concert au Chippenham, un pub de l'Ouest de Londres. « Il y avait ce type de Varsovie qui était en train d’organiser un festival international de performance artistique. Il a tellement aimé, qu’il nous a invité ». En avril 1978, les Raincoats font le mur et se rendent en Pologne. Selon l’organisateur, ils sont le deuxième groupe occidental à jouer là-bas, après les Rolling Stones. Gina: « Pour nous, Varsovie, c’était nos quatrième, cinquième, sixième et septième concerts ».
Woman, you’re pinned up on the wall
Cette année-là, le groupe change plusieurs fois de guitariste et de batteur, pour finalement se fixer sur Palmolive des Slits, et Vicky Aspinal. Ces choix s’avéreront particulièrement heureux au moment de l’enregistrement de l’album.
Palmolive, née Paloma Romero en Espagne 23 ans plus tôt, débarque à Londres à sa majorité, en quête d’indépendance, loin de ses parents et du régime de Franco. Elle joue d’abord dans un groupe au doux nom de ‘Flowers of Romance’, mais se fait virer pour inaptitude musicale par le leader, un certain Sid Vicious, lui-même inepte musical notoire. Evincée également, Viv Albertine, avec qui Palmolive décide de former les Slits. Le groupe tourne beaucoup sur Londres en 1977, laissant dans son sillage un public médusé par sa musique cacophonique, son énergie brute et ses paroles agressives. Mais bientôt les tensions se multiplient entre les musiciennes et bien qu’ayant participé à l’écriture des morceaux, Palmolive quitte les Slits avant l’enregistrement de leur premier album, ulcérée par l’arrivée de Malcolm McLaren l’ex manager des Sex Pistols, qui a la bonne idée de demander aux jeunes femmes de poser seins nus sur la pochette. Lorsqu’elle rejoint les Raincoats derrière la batterie, Palmolive vit depuis deux ans de squats en squats, avec son petit ami Joe Strummer des Clash. C’est est déjà une figure incontournable de la scène punk locale.
Le groupe recherche alors une musicienne pour jouer au violon ou au clavier. Ce sera une violoniste classique. Vicky Aspinal est recrutée via une petite annonce laissée par Palmolive dans la librairie Compendium à Camden : ‘pas de style, de la force’… Force est aussi de constater qu’elle est la seule à répondre. Contrairement aux autres membres du groupe, Vicky, diplômée du Royal College de Londres, est une musicienne accomplie. Elle joue du violon depuis l'âge de dix ans. Mais un beau jour, elle plaque tout: « Les gens qui faisaient partie du circuit de cette musique étaient tellement réactionnaires ». Vicky se lance un temps dans un quartet d'instruments à cordes électrifiés, mais quitte trés vite le collectif, pour se consacrer pleinement à son nouveaux projet.
Les Raincoats deviennent ainsi un groupe entièrement féminin… et déjà un brin féministe. En concert, les quatre jeunes femmes refusent le glamour et les logiques du show business. Leur apparence est banale, légèrement négligée, à l’image de nombreux groupes masculins de l’époque, ce qui, pour elles, représente déjà une prise de position certaine.
L’arrivée de Palmolive et de Vicky stabilise enfin le groupe, fragilisé depuis ses débuts par de fréquents changements de musiciens. Pour le réveillon du nouvel an 1979 les Raincoats se produisent à l’Acklam Hall, avec dans le public, des membres des Clash, des Slits, des journalistes et le staff de Rough Trade.
… in the supermarket
Le magasin Rough Trade est installé non loin de là, dans le quartier mal famé de Ladbroke Grove. Dans l’arrière boutique, Goeff Travis, inspiré par les disques autoproduits qu’il vend, propose à certains groupes de produire leurs albums. Il cherche des signatures pour son nouveau label et s’intéresse de près aux Raincoats.
Pour le groupe, Rough Trade présente de nombreux avantages. Les deals se font disque par disque, gage d’une certaine liberté. Une fois les frais remboursés, les bénéfices sont partagés entre le label et le groupe, à 50/50, bien au-dessus des standards de l’époque. Enfin Ana se voit offrir un emploi chez le disquaire.
Un premier accord est signé pour un 45 tours. L’enregistrement d’un des groupes de Rough Trade se terminant plus tôt que prévu, les Raincoats courent s’enfermer au Spaceward Studio, dans un sous-sol minuscule de Cambridge. Le groupe enregistre non pas deux, mais trois titres : ‘Fairytale In The Supermarket’, ‘In Love’ et ‘Adventures Close To Home’, dans des conditions proches du live. Le disque est coproduit par Goeff Travis et Mayo Thompson le chanteur de Red Krayola, qui a rejoint depuis peu l’équipe de Rough Trade.
Expérience empreinte d’un certain amateurisme. Ana : «je savais à peine jouer de la guitare, nous ne pouvions pas connaître grand-chose sur les enregistrements. D’ailleurs Mayo et Goeff n’avaient pas l’air d’en savoir beaucoup sur la production non plus – surtout Goeff ; il n’arrêtait pas de dire ‘ça sonne vraiment bien !’ ».
Le 45 tours est pressé à 8 000 exemplaires et sort en avril 1979. La pochette est dessinée par Gina. Le NME consacre le disque 'Single of the Week'.
Ana est là. Intimidé, Cobain se présente maladroitement et explique la raison de leur intrusion. Elle promet de leur en envoyer un exemplaire, sous réserve qu’elle arrive à remettre la main dessus. Dans les notes d’’Incesticide’, il racontera : « je ressortais en me sentant un peu idiot d’avoir violé son espace comme ça, en me disant qu’elle avait dû penser que mon groupe était bien médiocre ». De fait, la chanteuse des Raincoats ne connaît pas Nirvana.
Quelques semaines plus tard il reçoit le vinyle tant attendu, avec une lettre touchante d’Ana. Il poursuit : « Ca m’a rendu plus heureux que de jouer devant des milliers de personnes tous les soirs, dieu-rock idolâtré par des fans et des parasites lèche cul de l’industrie musicale, et le million de dollars que je me suis fait l’année dernière. C’est une des rares choses importantes qui me soit arrivé depuis que je suis devenu un intouchable petit génie ». Cobain n’a que vingt cinq ans.
I hear the music outside
A vingt cinq ans, Ana da Silva est encore étudiante. Elle a quitté le Portugal un an auparavant, ne sachant plus trop quoi faire une fois sa thèse sur Bob Dylan et son doctorat de langue terminés, pour s’installer à Londres. Nous sommes au milieu des années soixante dix. Elle travaille d’abord dans un restaurant, puis suit des cours à la Hornsey School of Art.
C’est là qu’elle rencontre Gina Birch, la future bassiste et chanteuse du groupe. Gina n’a que dix huit ans. Passionnée d’art conceptuel, de Land Art et de performance artistique en général, elle débarque tout juste de Nottingham et se sent un peu perdue à Londres. Les deux étudiantes découvrent qu’elles vivent à proximité l’une de l’autre et commencent à se voir régulièrement.
Elles fréquentent assidûment le Roxy, un club de Covent Garden. En 1977, cette salle de concert voit passer tout ce que le Royaume Uni compte de punks: les Sex Pistols, les Clash, The Jam, The Buzzcocks, Subway Sect, Siouxsie & the Banshees… et les Slits [les fentes], un groupe exclusivement féminin, que Gina aime tout particulièrement : « A chaque fois, j’étais transportée par l’énergie sauvage et généralisée de leurs concerts […] Quand je les ai vu jouer pour la première fois, ça m’a rendu complètement malade […] ça semblait si extraordinaire et si accessible à la fois ; je me suis dit , ’je voudrais tellement faire ça !’ ».
No one teaches you how to live
« Nous étions dans un pub, autour d’un verre, et nous nous sommes dit : ’faisons le!’ ». Ana et Gina ne savent pas jouer, mais qu’importe, faire du rock n’a jamais semblé aussi simple. Autour d’elles, on démystifie la musique. Nombreux sont ceux qui, sans la moindre expérience, parlent de former un groupe. Gina : « Chacun semblait prêt à recevoir nos idées, là ou normalement, en tant que jeunes femmes, on nous aurait tenues à l’écart ».
Le cas des Raincoats n’est pas isolé. A l’époque, beaucoup d’étudiants des Beaux Arts, prolétaires ou issus de la classe moyenne, trop indisciplinés pour imiter leurs parents, se tournent vers le rock, une fois leur diplôme en poche, pour conserver le style de vie qu’ils appréciaient pendant leurs études, avec le vague espoir d’en vivre.
De fait, le punk rock a ouvert des portes. Alors que les maisons de disques continuent d’enregistrer, de promouvoir et d’entretenir à grands frais des artistes professionnels qui s’enferment dans des genres élitistes comme le rock progressif, certains groupes pionniers, tels Père Ubu aux Etats Unis ou les Buzzcocks en Angleterre, lancent des souscriptions auprès de leurs proches et créent leur propre label, par nécessité (à force de se faire refouler par les majors) ou par choix, pour des questions de liberté artistique. En Angleterre, avec la vente par correspondance et le disquaire Rough Trade pour la distribution, la complicité de John Peel de Radio 1 et les premiers fanzines pour la promotion, un véritable réseau parallèle se crée en marge des circuits habituels. Dès lors, tout semble possible…
Adventures close to home
Tout commence en septembre 1977. Gina s’est acheté une basse bon marché ; elle a à peine le temps de s’y mettre. « En l’espace d’une ou deux semaines, nous étions tous les quatre essayant de faire une chanson »: Ana qui rentre tout juste de vacances à la guitare; un certain Nick Turner à la batterie et Ross Crighton, le second guitariste. Le groupe répète dans le quartier de Westbourne Grove, dans la cave du squat de Gina. La baraque n’est pas belle à voir. Elle fait penser à un décor de film post apocalyptique avec ses champignons qui poussent sur les murs. Dehors, Monmouth Road est gorgée de squats. Certaines maisons sont inhabitables, d’autres ont tout simplement brûlé.
Les musiciens s’essayent sur quelques morceaux, loin des structures habituelles. Gina : « Nous ne voulions pas d’un ‘double refrain couplet – pont – couplet –couplet’. Nous ne connaissions rien de tout ça, et nous n’avions pas envie d’en connaître davantage, même si ça nous rendait très vulnérables d’une certaine façon ».
« Bon vous avez un groupe, venez faire un concert ! ». Vulnérable ou pas, le groupe n’hésite pas à franchir le pas lorsque l’occasion se présente, en la personne de Richard Dudanski, colocataire de Gina et batteur à ses heures. Le premier concert a lieu à Londres, en novembre 1977, quelques semaines seulement après la formation du groupe. Un set court: cinq, six chansons à tout casser. Les musiciens ne connaissent rien à la sono, aux amplis et aux balances… « Nous avons réellement appris à jouer en public » reconnaît Gina. Mais les premières réactions sont positives, le résultat est encourageant.
Cette image du groupe qui ne sait pas jouer colle encore aujourd’hui aux Raincoats. Gina : « On répétait pourtant des heures entières. Vous n’auriez pas pu rencontrer de groupe qui répétait plus que nous. Mais on se débrouillait toujours pour se planter ». « On répétait beaucoup, mais c’était plus pour créer que pour essayer de jouer juste […], d’ailleurs nous ne jouons toujours pas juste, après toutes ces années » précise Ana. Mélodie/harmonie/rythmes/bruit/silence ; le groupe cherche avant tout des idées et tente de repousser un peu plus loin ses propres limites.
Le fait de se mettre en scène n’est pas évident non plus. « Nous étions vraiment assez timides [...] Ca n'est pas que nous ignorions le public, mais pour nous, jouer était quelque chose de trés émotionnel. Nous luttions, il nous arrivait même de pleurer; nous ne savions pas vraiment ce que nous faisions la moitié du temps» se souvient Gina. Loin du côté show off de la plupart des groupes punk de l’époque, leurs concerts s’apparentent plus, selon elle, à « des apparitions devant une audience qui fini par se sentir privilégiée de pouvoir nous observer ».
Ils sont remarqués à leurs débuts lors d'un concert au Chippenham, un pub de l'Ouest de Londres. « Il y avait ce type de Varsovie qui était en train d’organiser un festival international de performance artistique. Il a tellement aimé, qu’il nous a invité ». En avril 1978, les Raincoats font le mur et se rendent en Pologne. Selon l’organisateur, ils sont le deuxième groupe occidental à jouer là-bas, après les Rolling Stones. Gina: « Pour nous, Varsovie, c’était nos quatrième, cinquième, sixième et septième concerts ».
Woman, you’re pinned up on the wall
Cette année-là, le groupe change plusieurs fois de guitariste et de batteur, pour finalement se fixer sur Palmolive des Slits, et Vicky Aspinal. Ces choix s’avéreront particulièrement heureux au moment de l’enregistrement de l’album.
Palmolive, née Paloma Romero en Espagne 23 ans plus tôt, débarque à Londres à sa majorité, en quête d’indépendance, loin de ses parents et du régime de Franco. Elle joue d’abord dans un groupe au doux nom de ‘Flowers of Romance’, mais se fait virer pour inaptitude musicale par le leader, un certain Sid Vicious, lui-même inepte musical notoire. Evincée également, Viv Albertine, avec qui Palmolive décide de former les Slits. Le groupe tourne beaucoup sur Londres en 1977, laissant dans son sillage un public médusé par sa musique cacophonique, son énergie brute et ses paroles agressives. Mais bientôt les tensions se multiplient entre les musiciennes et bien qu’ayant participé à l’écriture des morceaux, Palmolive quitte les Slits avant l’enregistrement de leur premier album, ulcérée par l’arrivée de Malcolm McLaren l’ex manager des Sex Pistols, qui a la bonne idée de demander aux jeunes femmes de poser seins nus sur la pochette. Lorsqu’elle rejoint les Raincoats derrière la batterie, Palmolive vit depuis deux ans de squats en squats, avec son petit ami Joe Strummer des Clash. C’est est déjà une figure incontournable de la scène punk locale.
Le groupe recherche alors une musicienne pour jouer au violon ou au clavier. Ce sera une violoniste classique. Vicky Aspinal est recrutée via une petite annonce laissée par Palmolive dans la librairie Compendium à Camden : ‘pas de style, de la force’… Force est aussi de constater qu’elle est la seule à répondre. Contrairement aux autres membres du groupe, Vicky, diplômée du Royal College de Londres, est une musicienne accomplie. Elle joue du violon depuis l'âge de dix ans. Mais un beau jour, elle plaque tout: « Les gens qui faisaient partie du circuit de cette musique étaient tellement réactionnaires ». Vicky se lance un temps dans un quartet d'instruments à cordes électrifiés, mais quitte trés vite le collectif, pour se consacrer pleinement à son nouveaux projet.
Les Raincoats deviennent ainsi un groupe entièrement féminin… et déjà un brin féministe. En concert, les quatre jeunes femmes refusent le glamour et les logiques du show business. Leur apparence est banale, légèrement négligée, à l’image de nombreux groupes masculins de l’époque, ce qui, pour elles, représente déjà une prise de position certaine.
L’arrivée de Palmolive et de Vicky stabilise enfin le groupe, fragilisé depuis ses débuts par de fréquents changements de musiciens. Pour le réveillon du nouvel an 1979 les Raincoats se produisent à l’Acklam Hall, avec dans le public, des membres des Clash, des Slits, des journalistes et le staff de Rough Trade.
… in the supermarket
Le magasin Rough Trade est installé non loin de là, dans le quartier mal famé de Ladbroke Grove. Dans l’arrière boutique, Goeff Travis, inspiré par les disques autoproduits qu’il vend, propose à certains groupes de produire leurs albums. Il cherche des signatures pour son nouveau label et s’intéresse de près aux Raincoats.
Pour le groupe, Rough Trade présente de nombreux avantages. Les deals se font disque par disque, gage d’une certaine liberté. Une fois les frais remboursés, les bénéfices sont partagés entre le label et le groupe, à 50/50, bien au-dessus des standards de l’époque. Enfin Ana se voit offrir un emploi chez le disquaire.
Un premier accord est signé pour un 45 tours. L’enregistrement d’un des groupes de Rough Trade se terminant plus tôt que prévu, les Raincoats courent s’enfermer au Spaceward Studio, dans un sous-sol minuscule de Cambridge. Le groupe enregistre non pas deux, mais trois titres : ‘Fairytale In The Supermarket’, ‘In Love’ et ‘Adventures Close To Home’, dans des conditions proches du live. Le disque est coproduit par Goeff Travis et Mayo Thompson le chanteur de Red Krayola, qui a rejoint depuis peu l’équipe de Rough Trade.
Expérience empreinte d’un certain amateurisme. Ana : «je savais à peine jouer de la guitare, nous ne pouvions pas connaître grand-chose sur les enregistrements. D’ailleurs Mayo et Goeff n’avaient pas l’air d’en savoir beaucoup sur la production non plus – surtout Goeff ; il n’arrêtait pas de dire ‘ça sonne vraiment bien !’ ».
Le 45 tours est pressé à 8 000 exemplaires et sort en avril 1979. La pochette est dessinée par Gina. Le NME consacre le disque 'Single of the Week'.
Ce qui frappe d’abord, à l’écoute du 45 tours, c’est le son caractéristique du violon de Vicky. Pendant les répétitions, Mayo lui a passé des enregistrements de John Cale et s’est employé à rendre sa façon de jouer moins académique. Au début du disque, le violon n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui d’‘Heroin’ sur le premier album du Velvet Underground. Mais là où le jeu lancinant de John Cale hypnotise, le son de Vicky, sur ‘Fairytale In The Supermarket’, et se révèle plutôt rêche et grinçant. Impression confirmée sur 'In Love', sans doute la référence plus evidente du groupe au Velvet. Et c’est donc paradoxalement la seule musicienne confirmée du groupe, qui, sur le disque, reflète le plus le côté amateur de la formation, particulièrement évident en concert.
Palmolive à la batterie contribue aussi beaucoup au son des Raincoats. Sur ‘Fairytale In The Supermarket’ et sur ‘Adventures Close To Home’ (chanson qu’elle a composée et qui figurera en parallèle sur l’album des Slits), les drums s’affichent d’emblée comme l’élément le plus complexe du groupe. A l’instar de Maureen Tucker du Velvet Underground, Palmolive ne se sert des cymbales qu’épisodiquement et utilise souvent les toms de façon tribale. La comparaison s’arrête là. Son jeu est tout en ruptures, alternant breaks/moments calmes/rythmes urgents, fracturant les chansons dans une pagaille apparente pour mieux en faire ressortir l’énergie. Et si ‘Fairytale In The Supermarket’ reste résolument rock, ‘Adventures Close To Home’ fleure bon l’ambiance crossover de Notting Hill, trait d’union entre les hippies, les punks et la communauté Jamaïcaine dans les années soixante dix.
Les paroles de 'Fairytale In The Supermarket' sont une allusion à la vie quotidienne des femmes coincées chez elles ou au supermarché, des prisons dont elles s'évadent par le rêve.
Palmolive à la batterie contribue aussi beaucoup au son des Raincoats. Sur ‘Fairytale In The Supermarket’ et sur ‘Adventures Close To Home’ (chanson qu’elle a composée et qui figurera en parallèle sur l’album des Slits), les drums s’affichent d’emblée comme l’élément le plus complexe du groupe. A l’instar de Maureen Tucker du Velvet Underground, Palmolive ne se sert des cymbales qu’épisodiquement et utilise souvent les toms de façon tribale. La comparaison s’arrête là. Son jeu est tout en ruptures, alternant breaks/moments calmes/rythmes urgents, fracturant les chansons dans une pagaille apparente pour mieux en faire ressortir l’énergie. Et si ‘Fairytale In The Supermarket’ reste résolument rock, ‘Adventures Close To Home’ fleure bon l’ambiance crossover de Notting Hill, trait d’union entre les hippies, les punks et la communauté Jamaïcaine dans les années soixante dix.
Les paroles de 'Fairytale In The Supermarket' sont une allusion à la vie quotidienne des femmes coincées chez elles ou au supermarché, des prisons dont elles s'évadent par le rêve.
'The Raincoats'
L’album éponyme des Raincoats est enregistré en trois semaines aux Studios de Berry Street à Londres. Il comprend dix titres dans sa version originale, dont ‘The Void’ et ‘Adventures Close To Home’, repris du single.
La première chanson, ‘No Side To Fall In’, est expédiée en une minute cinquante, dans la plus grande tradition punk. Mais de cette école le groupe n’aura finalement retenu que l’énergie et le credo ‘Do It Yourself’ tant leur musique paraît plus subtile. A l’image de ‘Fairytale In The Supermarket’ qui était en fait l’assemblage de deux morceaux, ‘No Side To Fall In’ est composée de trois parties distinctes folk/rock/chants, qui résument assez bien la diversité de l’album. Sur le passage du milieu, les pizzicati du violon crépitent à la façon d’un compteur Geiger, rappelant certains moments d’‘Insight’ de Joy Division, sortie la même année.
L’album éponyme des Raincoats est enregistré en trois semaines aux Studios de Berry Street à Londres. Il comprend dix titres dans sa version originale, dont ‘The Void’ et ‘Adventures Close To Home’, repris du single.
La première chanson, ‘No Side To Fall In’, est expédiée en une minute cinquante, dans la plus grande tradition punk. Mais de cette école le groupe n’aura finalement retenu que l’énergie et le credo ‘Do It Yourself’ tant leur musique paraît plus subtile. A l’image de ‘Fairytale In The Supermarket’ qui était en fait l’assemblage de deux morceaux, ‘No Side To Fall In’ est composée de trois parties distinctes folk/rock/chants, qui résument assez bien la diversité de l’album. Sur le passage du milieu, les pizzicati du violon crépitent à la façon d’un compteur Geiger, rappelant certains moments d’‘Insight’ de Joy Division, sortie la même année.
Sur l’album, la plupart des paroles sont d’Ana. Ses textes, que Gina qualifie de ‘poétiques et elliptiques’, laissent libre cours à l’interprétation. Si Ana cite parfois Patti Smith, son influence majeure reste Bob Dylan qu’elle a étudié dans le cadre de sa thèse. L’écriture de Gina est peut être plus spontanée - elle se souvient avoir trouvé le refrain d’‘In love’ dans un bus - mais sa contribution reste dans la lignée de celle d’Ana. Sur ‘No Looking’ elle choisit d’adapter librement 'Déjeuner Du Matin', un poème de Jacques Prévert. ‘Off Duty Trip’, avec son texte engagé, est un titre à part sur le disque. La chanson raconte une sombre histoire de viol jugée à l’époque, dans laquelle l’accusé, un militaire, avait bénéficié de la clémence d’un juge qui voulait éviter de compromettre sa carrière.
‘Off Duty Trip’ et ‘Black And White’ avec leurs accents ska -so 1979!- viennent compléter la palette musicale de l’album tandis que 'Lola' des Kinks, revisitée par Palmolive à la batterie et chantée par Gina, Ana et Vicky, prend une toute autre dimension. Sur 'The Void’, le violon dissonant de Vicky associé au chant pas toujours très juste d’Ana et aux écarts de Gina à la basse donne à la chanson un coté ‘Lo-fi’ avant l’heure.
A la joyeuse pagaille folk de ‘Life On The Line’ succède ‘You’re A Million’, plus sombre. Ces deux chansons avec leurs structures désarticulées et leurs rythmiques en dents de scie, illustrent à nouveau l’originalité du songwriting du groupe. Les voix d’Ana et de Gina s’interpellent enfin sur le grinçant ‘In love’ et pendant le crescendo de ‘No looking’, pour clôturer l’album.
L’album clôture également la collaboration entre les quatre musiciennes puisque Palmolive décide de quitter le groupe à la fin de l’enregistrement et s’envole pour l’Inde, en quête de spiritualité. Ce sera son dernier disque.
You’re a million
‘The Raincoats’ sort fin novembre 1979. A en croire les commentaires amusés de John Peel quelques jours plus tard, le disque a reçu un accueil mitigé, certains critiques parlant d’un album ‘malheureux’ et ‘déprimant’ (sic).
Vivienne Goldman du Melody Maker n’est pas de cet avis : ‘Ca m’a pris vingt sept ans […] pour entendre un album de rock écrit par des femmes’. Elle insiste combien pour elle les Raincoats, avec leur organisation communautaire, tranchent avec les poncifs masculins du genre.
Le NME et le New York Rocker consacrent le disque, respectivement 14eme meilleur album et 8eme meilleur album indépendant de l’année 1979. ‘The Raincoats’ se vend relativement bien pour une production indépendante, faisant même un passage éclair dans les charts anglais à la 99eme place. Les 25 000 exemplaires pressés sont assez vite écoulés.
Les Raincoats enfoncent le clou début 1980 avec une tournée en Europe (dont un passage au Bataclan en février), avec Ingrid Weiss à la batterie, pour remplacer Palmolive. En avril, le groupe fait un mini tour sur la côte Est des Etats-Unis, avec une date au Tier 3 à New York. Dans le public, Kim Gordon, 26 ans, future membre de Sonic Youth. De tous les groupes vus là-bas, elle écrira « c’était des Raincoats dont je me sentais la plus proche. Elles avaient l’air de personnes ordinaires jouant une musique extraordinaire. Une musique qui laissait place à la cohésion des personnalités ».
Life on the line
Pas moins de vingt quatre musiciens se succèdent aux cotés de Gina, Ana et Vicky, avant que le groupe ne se sépare, en 1984, laissant derrière lui deux autres albums, ‘Odyshape’ et ‘Moving’. Alors que le label Rough Trade fait fortune avec les Smiths, Ana et Gina multiplient les projets solos sans lendemain. Petit à petit, elles s’éloignent de la musique…
Jusqu’à ce jour de 1992. Ana : « Quand Kurt et Courtney sont venus me voir, la première fois, je ne savais pas vraiment qui ils étaient ni ce qui se passait aux Etats-Unis. Ca a été un vrai choc de réaliser que ce qu’on avait fait avait un sens ».
L’année suivante, tandis que Courtney Love reprend ‘The Void’ avec Hole, Cobain insiste pour que son label DGC réédite les trois albums des Raincoats. Il se fend d’une note sur le premier opus, qui ressort quelques mois plus tard. En mars 1994, le groupe fait son retour sur scène, avec Steve Shelley de Sonic Youth à la batterie. Il doit jouer en première partie de Nirvana le 8 avril à Dublin.
‘Off Duty Trip’ et ‘Black And White’ avec leurs accents ska -so 1979!- viennent compléter la palette musicale de l’album tandis que 'Lola' des Kinks, revisitée par Palmolive à la batterie et chantée par Gina, Ana et Vicky, prend une toute autre dimension. Sur 'The Void’, le violon dissonant de Vicky associé au chant pas toujours très juste d’Ana et aux écarts de Gina à la basse donne à la chanson un coté ‘Lo-fi’ avant l’heure.
A la joyeuse pagaille folk de ‘Life On The Line’ succède ‘You’re A Million’, plus sombre. Ces deux chansons avec leurs structures désarticulées et leurs rythmiques en dents de scie, illustrent à nouveau l’originalité du songwriting du groupe. Les voix d’Ana et de Gina s’interpellent enfin sur le grinçant ‘In love’ et pendant le crescendo de ‘No looking’, pour clôturer l’album.
L’album clôture également la collaboration entre les quatre musiciennes puisque Palmolive décide de quitter le groupe à la fin de l’enregistrement et s’envole pour l’Inde, en quête de spiritualité. Ce sera son dernier disque.
You’re a million
‘The Raincoats’ sort fin novembre 1979. A en croire les commentaires amusés de John Peel quelques jours plus tard, le disque a reçu un accueil mitigé, certains critiques parlant d’un album ‘malheureux’ et ‘déprimant’ (sic).
Vivienne Goldman du Melody Maker n’est pas de cet avis : ‘Ca m’a pris vingt sept ans […] pour entendre un album de rock écrit par des femmes’. Elle insiste combien pour elle les Raincoats, avec leur organisation communautaire, tranchent avec les poncifs masculins du genre.
Le NME et le New York Rocker consacrent le disque, respectivement 14eme meilleur album et 8eme meilleur album indépendant de l’année 1979. ‘The Raincoats’ se vend relativement bien pour une production indépendante, faisant même un passage éclair dans les charts anglais à la 99eme place. Les 25 000 exemplaires pressés sont assez vite écoulés.
Les Raincoats enfoncent le clou début 1980 avec une tournée en Europe (dont un passage au Bataclan en février), avec Ingrid Weiss à la batterie, pour remplacer Palmolive. En avril, le groupe fait un mini tour sur la côte Est des Etats-Unis, avec une date au Tier 3 à New York. Dans le public, Kim Gordon, 26 ans, future membre de Sonic Youth. De tous les groupes vus là-bas, elle écrira « c’était des Raincoats dont je me sentais la plus proche. Elles avaient l’air de personnes ordinaires jouant une musique extraordinaire. Une musique qui laissait place à la cohésion des personnalités ».
Life on the line
Pas moins de vingt quatre musiciens se succèdent aux cotés de Gina, Ana et Vicky, avant que le groupe ne se sépare, en 1984, laissant derrière lui deux autres albums, ‘Odyshape’ et ‘Moving’. Alors que le label Rough Trade fait fortune avec les Smiths, Ana et Gina multiplient les projets solos sans lendemain. Petit à petit, elles s’éloignent de la musique…
Jusqu’à ce jour de 1992. Ana : « Quand Kurt et Courtney sont venus me voir, la première fois, je ne savais pas vraiment qui ils étaient ni ce qui se passait aux Etats-Unis. Ca a été un vrai choc de réaliser que ce qu’on avait fait avait un sens ».
L’année suivante, tandis que Courtney Love reprend ‘The Void’ avec Hole, Cobain insiste pour que son label DGC réédite les trois albums des Raincoats. Il se fend d’une note sur le premier opus, qui ressort quelques mois plus tard. En mars 1994, le groupe fait son retour sur scène, avec Steve Shelley de Sonic Youth à la batterie. Il doit jouer en première partie de Nirvana le 8 avril à Dublin.
Mais ce 8 avril, Kurt Cobain est retrouvé mort chez lui, trois jours après la date estimée de son suicide. Les Raincoats étaient peut être destinés à rester confidentiels… Constat que partage d’ailleurs Shelley à l’époque : «Kurt s’intéressant à Half Japanese ou aux Raincoats, je pensais que les gens allaient acheter ces disques, mais ça ne s’est pas vraiment passé comme ça ».
Le groupe enregistre un autre album en 1996, fait quelques dates dans des petites salles en Europe et sur la côte Est des Etats-Unis. Dans les années qui suivent, les Raincoats se reforment épisodiquement, à l’occasion de festivals.
2009. Gina habite toujours Monmouth Road ; Westbourne Grove est devenu un quartier huppé. Elle travaille sur un documentaire qui retrace l’histoire des Raincoats. Palmolive est une reborn christian aux Etats Unis. Elle rejoue parfois ses anciennes chansons dans son église de Cap Cod, troquant les paroles des Slits pour des textes plus en accord avec sa foi. Son fils est aussi batteur et adore Nirvana. Vicky qui n’a pas non plus souhaité revenir dans le groupe, habite non loin de là, dans le Rhode Island.
A l’occasion du trentième anniversaire de ‘The Raincoats’, les trois albums sont une nouvelle fois réédités. Le groupe enregistre un single avec The Gossip. Il tourne pour la première fois sur la côte Ouest des Etats-Unis. En mai 2010, il rejoue l’intégralité du premier album à la Scala de Londres, avant de partir pour une mini-tournée au Japon et de donner, le 20 novembre, un concert au MOMA à New York.
A sa sortie, ‘The Raincoats’ est souvent considéré comme ‘punk’, faute de mieux. Les étiquettes ‘Post punk’, ‘Lo fi’ et ‘Riot Grrrl’ qu’on lui a collé depuis ne seront inventées que bien plus tard. Gina: « à l’époque pas mal de gens ne nous trouvaient pas hypes du tout ». Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui comme Stuart Murdoch de Belle and Sébastian, Patrick Wolf ou les Vivian Girls, citent l’album parmi leurs influences. Une édition originale du disque se vend à plus de 100 euros sur le Net.
La pochette enfantine du disque, dessinée par Pang Hsiao-Li, aux antipodes de la provocation punk, illustre bien l’approche spontanée d’un groupe encore vert. C’est bien connu, les débutants sont les plus libres -à part peut être les virtuoses les plus accomplis- lorsqu’il s’agit de faire une musique originale. ‘The Raincoats’ est un premier album à la fois frondeur et attachant, brouillon et lumineux. Il témoigne d’une association éphémère au sein d’un groupe qui s’inscrit finalement dans la durée, mais dont les albums suivants, dans un registre moins rock, différeront profondément, et qui ne jouera ni ne chantera jamais aussi bien qu’en studio. ‘The Raincoats’ a déjà eu trois vies, il est devenu imperméable au temps. Le récent regain d’intérêt autour de l’album doit beaucoup à internet qui a levé le voile sur un disque rare. Comme l’explique simplement Gina « plus les choses sont secrètes, plus les gens veulent en savoir davantage ».
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