dimanche 9 janvier 2011

Chrome (premiere partie)

Isolation

« Dans le monde occidental, il y a ces zones de loisirs et de spectacles. Nous sommes en dehors de tout ca […]. Nous nous sentons comme des hors la loi à l’extérieur. Il y a eux et nous. Nous sommes en dehors de tout ».

Nous sommes sur une colline désolée de la périphérie d’Oakland. Le journaliste Michael Goldberg est assis dans le salon de Damon Edge, « un grand type en blouse blanche, à la voix ténébreuse » rencontré la veille avec son acolyte Helios Creed au studio Mobius à San Francisco. Il a écouté les bandes ‘déconcertantes’ que Chrome vient de d’enregistrer. Il s’étonne. Comment se fait il qu’Edge n’ait jamais donné la moindre interview, alors que son groupe termine son quatrième album ?

Le chanteur se lance dans des grandes phrases… avant d’admettre simplement: « Nous voulons communiquer. Nous ne sommes pas une bande de hippies largués faisant des enregistrements juste pour nous-mêmes ».

Goldberg est sans doute le premier ‘de l’extérieur’ à avoir écouté l’album ‘Red Exposure’. Dans son article, qui parait dans le NME du 17 novembre 1979, il décrit l’expérience de façon plutôt imagée: « Les morceaux de Chrome s’échappent des enceintes comme des bulles émergeant du fond d’une piscine de déchets radioactifs ». Et de conclure: « Les Chrome sont tellement underground que ceux qui en ont entendu parler doutent sérieusement de leur existence. Ils n’ont jamais donné de concert devant un public. Ils n’avaient jamais été interviewés ou photographiés. Leurs disques sortent au compte goute sur leur propre label, le mystérieux Siren. A part quelques fans dévoués, peu de gens ont entendus parler d’eux ; encore moins les ont entendus ».

Quelques mois plus tard Chrome sort de l’ombre. ‘Red Exposure’, via le label anglais Beggars Banquet, est distribué en Amérique du Nord, en Europe et au Japon par WEA Records (Warner). Joli pied de nez pour un groupe dont la musique avant-gardiste n’avait jusque là suscité que le mépris et les sarcasmes des labels américains : ‘Ces mecs sont complètement tarés’ ; on les avait traité de ‘Charles Manson de la musique’, au mieux, ‘de mauvais Doors’, pour rependre l’expression même de la Warner deux ans plus tôt.

Pour l’heure, en ce printemps 1980, alors que sortent ‘Seventeen Seconds’ de Cure et ‘Closer’ de Joy Division, Chrome avec ‘Red Exposure’ est prêt à irradier une par une les zones de loisirs du monde occidental…

à suivre

Compilation 'Subterranean Modern' (1979)

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